L’Inde, une puissance navale en construction
En mars 2019, l’Indian Navy (IN) a annoncé avoir passé un accord pour la location d’un sous-marin nucléaire d’attaque russe pour une période de 10 ans. Cet accord témoigne de l’essor de la dimension navale dans le mix stratégique indien. Elle est aussi un signe de l’intérêt croissant de New Delhi pour l’espace indo-pacifique et de l’importance qu’a pris la Chine dans ses calculs stratégiques. Souvent critiquée pour son manque de réalisme, l’Inde adopte un outil supplémentaire du hard power dans sa transition vers plus de realpolitik.
L’Indian Navy au cœur de la stratégie indienne
Cette transformation, confirmée par le Livre blanc de l’IN de 2015, a pris une importante dimension maritime, dans le but de s’approprier l’Océan indien. Au-delà d’une sécurisation de ses approvisionnements en hydrocarbures en provenance du Golfe persique (sa dépendance maritime est de 93%), l’Inde a repensé sa stratégie vis-à-vis de ses adversaires historiques, le Pakistan et la Chine. Jusque-là envisagée d’un point de vue largement terrestre, cette stratégie a dû évoluer suite aux attentats islamistes de Mumbai, en 2008, et à l’essor du « collier de perles chinois », qui menace d’étouffer la puissance indienne.
Ainsi, l’IN a réorganisé ses priorités, plaçant tous les Etats insulaires de l’Océan indien (Seychelles, Ile Maurice, Maldives, Sri Lanka) au rang de ses zones d’importance prioritaire. De même, la coopération a été renforcée avec les puissance régionales d’Asie orientale, afin d’endiguer la menace chinoise, dans le cadre de l’Act East Policy de Narendra Modi. Des exercices militaires conjoints sont ainsi menés régulièrement avec le Japon, l’Australie et les Etats-Unis (MALABAR).
Des capacités navales croissantes mais insuffisantes
Concrètement, l’essor de la puissance navale indienne s’appuie en priorité sur des porte-avions et sous-marins nucléaires. Dotée actuellement d’un porte-avions, l’IN a lancé la construction de deux autres , les INS Vikrant et Vishal, dont le premier devrait être prêt en 2021. Elle a également passé un contrat avec le français Naval Group pour la construction de 6 sous-marins de classe Scorpène, débutée en 2016. Enfin, l’IN a terminé la construction d’une puissante base navale à capacité interarmes à Karwar (proche de Goa), bien plus imposante que la base chinoise à Gwadar (Pakistan). Une base navale supplémentaire est envisagée à Port-Blair, capitale de l’archipel stratégique des Andamans et Nicobar. En 2016, l’IN pouvait compter sur 374 navires, pour 45 en construction.
Pour autant, si la flotte indienne parvient pour l’instant à faire quasi jeu égal avec la flotte chinoise, sa puissance reste fragile. L’Inde n’est pas capable de suivre le rythme effréné de construction navale de Pékin. Par ailleurs, New Delhi manque d’une industrie navale militaire de qualité. Si ses chantiers navals possèdent les compétences basiques, ils sont encore clairement dépendants de l’étranger (France, Russie, Etats-Unis) pour les technologies intégrées, freinant un développement rapide de sa flotte militaire.
Référence :
New Delhi et le monde. Une puissance émergente entre realpolitik et soft power, Christophe Jaffrelot, 2008
Sources :
« L’Inde, puissance mondiale ? » in Diploweb, Alain Lamballe, 2017
« Weighted West, Focused on the Indian Ocean and Cooperating across the Indo-Pacific. The Indian Navy’s New Maritime Strategy, Capabilities and Diplomacy » in Center for Naval Analyses, Satu Limaye, 2017
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